L'EQUIPE du 2 Décembre 1991.



Par Jacques CARDUCCI.

ON A TOUS GAGNE!

Fort, très fort. Imaginez l'équipe de Platini qui gagne la Coupe du monde, ou celle de Blanco qui, le mois dernier, aurait fait un tour d'honneur à Twickenham. Oui, imaginez tout cela et vous aurez une idée de ce que représente cette victoire en Coupe Davis pour le tennis francais. Une date repère. Un immense élan populaire. Qui laissera des traces indélébiles. Un triomphe pour la postérité.

Oui, fort. Encore davantage peut-être que le succès de Noah en 1983 à Roland-Garros. Parce que ne concernant plus un joueur, mais une équipe. Charme d'une épreuve collective dans un sport d'égoistes.

Cinquante-neuf ans que, dans le souvenir des célèbres Mousquetaires, le tennis français attendait. Mais ne comptez pas pour autant sur nous pour entamer là un nouveau tome. Même si la devise - vous savez - " un pour tous, tous pour un " n'a pris une ride. Même si hier, la présence émue d'un Borotra dans le vestiaire jetait un pont par-dessus trop de générations. Ce qui à l'époque, était déjà un événement considérable, amplifié aujourd'hui par le battage médiatique, devient l'affaire de tout un pays. " On a gagné " a scandé le formidable public de Lyon. Oui, on a tous gagné.

Et c'est d'autant plus beau que c'est inattendu.

Il n'y avait que Yannick Noah pour vraiment y croire. Chatrier, président élevé dans la mémoire des exploits des Mousquetaires, avait accordé une chance sur cinq. Guy Forget, le cartésien Forget, avait été un peu plus généreux avec une sur trois. Mais il n'y avait que Yannick, notre capitaine fracasse, pour vraiment avoir la foi. Pour dire qu'un espoir ne se mesure pas en termes de probabilités, mais de coeur et de passion. De folie ! que s'il y avait une chance, une seule, il fallait la saisir. Il savait que la Coupe Davis est une épreuve à part. Une épreuve de caractères. Alors, il a su blinder la résolution de Forget, réveiller l'ambition de Leconte. Il a su les faire rêver et le rêve est devenu réalité.