L'EQUIPE du 25 Novembre 1996.



Par Philippe BOUIN.

LES GRANDS TRAVAUX DE SAMPRAS

Les fans et fanettes dont la banderole, vendredi, affirmait que le tennis avec Becker était meilleur que le sexe, auront éprouvé cette semaine tous les plaisirs sauf l'orgasme. Hier, leur héros a échoué d'un rien, d'un souffle.

Dominateur pendant la majorité de la finale, assez orgueilleux pour sauver deux balles de match au quatrième set, il a fini par plier au terme d'une des plus belles empoignades de l'année, vaincu par un nouveau sursaut de fierté et de talent de l'homme qu'il avait battu quatre jours plus tôt en poule, Pete Sampras, le numéro un mondial.

Au bout de quatre heures d'une lutte haletante, et d'un ultime échange à couper le souffle, Becker, jambes coupées, frappa son dernier revers dans le filet. Les deux hommes avaient bien mérité l'ovation que leur accorda le formidable public de Hanovre, unanime dans son soutien à Becker, mais assez intelligent, pour saluer son vainqueur comme il se devait.

Cette victoire en dit long sur la qualié du numéro un mondial. Pour la énième fois de sa carrière, Pete Sampras a en effet renversé, au moment ou l'on s'y attendait le moins, une situation qui semblait avoir définitivement basculé à son désavantage. Chancelant sous la puissance d'un Becker qu'on avait rarement vu aussi fringuant après plus de trois heures de jeu, et sous le poids de la ferveur des 15600 personnes poussant de toutes leurs forces derrière leur héros. Sampras a une fois de plus fait donner la foudre de son bras incomparable au plus fort de l'orage. Il a aussi confirmé pour la cinquième fois, l'étrange loi qui veut que, quand les deux hommes se rencontrent dans les poules du Masters, le perdant du premier match finit par gagner l'épreuve.

En privant Becker d'un titre que l'allemand avait conquis l'an passé, Sampras a aussi confirmé sa qualité de numéro 1 incontestable au terme de l'année la plus difficile de sa carrière marquée par la mort de son entraîneur Tim Gulikson en mai dernier. A Hanovre, hier, en gagnant son troisième Masters en six ans, il a ajouté une victoire de prestige à son seul titre du Grand Chelem de l'année. Il a aussi pris une revanche importante contre Becker qui venait de le battre deux fois en un mois. Pas de doute, Sampras méritait bien l'hommage éloquent de son adversaire qui le qualifia de : " meilleur joueur de tous les temps ". La victoire fut d'autant plus belle qu'elle fut plus difficile. Longtemps d'ailleurs, Becker pourra se demander pourquoi il a perdu hier un match qu'il classait parmi les cinq plus grands matchs de tous les temps. Ironiquement, il ajouta : " J'ai vu dans les statistiques que j'avais gagné douze points de plus que lui, je l'ai dominé dans tous les domaines, mais je n'ai pas fait le dernier point ". Il venait de résumer en peu de phrases, l'essence du tennis. Vainqueur aux points dans tout autre sport, il a hier fini K.O.